Dimanche 15 janvier,
C’est le moment ou jamais de partir pour un dernier trekk dans l’himalaya. J’ai choisi celui qui fait le tour des Annapurna pour plusieurs raisons: il est facile a suivre, on est en plein hiver et donc il n’y aura pas grand monde et surtout il y a le col de thorong, le plus grand du monde, qui culmine a 5416m, je vais donc pouvoir realiser mon obsession de passer enfin les 5000. Je pars donc joyeusement en sifflotant pour une quinzaine de jours, seule, mon fidele Subindra ayant un peu froid et prefere rester a Kathmandu.
Je commence de Besi Sahar, 760m. meme deja ici il fait un peu frisquet. Le quatrieme jour, il commence a avoir de la neige et de la glace, c’est casse gueule, j’ai pas de crampons et je me dis que si ca continue comme ca il va falloir faire demi tour. Sur le chemin, je commence a rencontrer des groupes de trekkeur qui ont du rentrer, le col de thorong est impraticable mais il le sera peut etre dans quelques jours, c’est donc en croisant les doigts que je continue.
En arrivant a Chame, 2670m, je rencontre 4 jeunes russes de Saint Petersbourg, On joue aux cartes la soirée pendant que la neige tombe a gros flocons.
Je les retrouve le lendemain dans une petite auberge de Pisang tenue par un enorme nepali avec qui on vide une demi bouteille de rhum.
Deux jours plus tard, on arrice a Manang. C’est la que tout va se jouer et qu’on apprendra si on peux passer le col. L’aprem de notre arrivée, une enorme tempete de neige se leve, on se blotit autour du poele en bougeant le moins possible. 7 jours qu’on est parti, 7 jours sans douche, 3 jours que je dors toute habillée.
Le lendemain, c’est un jour off, on se repose a Manang, le temps est magnifique, le ciel completement pur. On monte jusque la gompa (temple) sur le point de vue et on passe une bonne partie de la journée au soleil, devant le Gangapurna 7454m et l’Annupurna III 7555m. Les nouvelles sont bonnes, le Thorong pass est ouvert, et en plus de nous, il y a 2 groupes de coréens et un groupe d’australiens avec guides et porteurs.
On attaque ! prochain arret Yak Kharka, 4018. Je passe la soirée avec des coréens qui me font ecouter leur musique locale et tiennent beaucoup a me faire gouter toutes sortes de condiments de chez eux qu’ils ont embarqué avec leurs porteurs car ils n’aime pas trop la cuisine nepalaise... moi je me dis qu’en Corée ou au Nepal, du riz ca reste du riz ...
Le lendemain, on est reparti pour 5 bonnes heures de marche, avec maintenant de la neige jusqu’au dessus des genoux. Les vues sont magnifiques et terrifiantes, soit un ciel azur qui fait scintiller la neige au soleil, soit noir et blanc. On passe la nuit au Hight Camp, 4925m, il doit faire dans les moins 15 avec un vent terrible.
On rencontre l’autre groupe de coréens, dans le tas il y a une petite mamie de 76 ans !!!
elle arrete pas de blaguer et de parler a tout le monde en coréen. Elle est juste incroyable.
Les porteurs nous explique qu’il est important de partir vars les 4 ou 5h du mat, avant que le vent ne devienne trop fort. Pour la premiere fois en montagne, j’ai peur de ne pas en etre capable. Pas a cause de l’altitude, je suis super bien adaptée, je marche vite et je respire bien, il n’y a que mon estomac qui reagit mal et qui m’empeche d’avaler quoi que ce soit depuis deux jours. Non, j’ai peur parce que je sais que le froid c’est mon pire ennemi et meme si je suis bien equipée, j’ai vraiment peur de craquer. Mais je pense a la pti mamie et aux porteurs avec leurs sacs de 20 kilos et je me dis que si ils y arrivent moi aussi...
5h debout, 6h en route, il fait nuit noire et un froid terrifiant. Je monte pendant 1h30 a la lumiere de ma frontale en depassant des gens. Il y a une petite maison vide qui nous permet de faire une pause... c’est encore pire, mes doigts sont tellement engourdis que je ne sais pas defaire les attaches de mon sac. je tremble violemment, meme mes cils sont gelés. Sur le moment, je suis tellement desepérée que je pense a demander a un guide de m’appeler un hélico. Plus qu’une solution, se remettre en route en attendant que le soleil se montre, c’est marche ou crève. Je ne fais plus attention au paysage, je fonce droit devant au plus vite que je peux a cette altitude. l’echarpe que j’ai nouée autour de ma bouche et mon nez est devenu un gros bloc de glace suite a la condensation de ma respiration, je ne sens plus rien...
Le soleil est levé et j’atteind le col, j’ai depassé la plupart des gens, 3h, c’est le temps que j’ai mis alors qu’en cette saison il faut compter 4 ou 5h. Je suis tellement au bout du scotch qu’au sommet, je n’ai meme pas le courage pour une pause photo. Je me contente de 3 ou 4 clichés que me permettent mes doigts engourdis et je fonce pour la descente. J’était a 5416m, et aucune envie d’en profiter...
Ce n’est que 500m plus bas, un peu rechauffée par le soleil et a l’abri du vent, que je m’offre une pause de 5min avec en toile de fond la vallée de Mukthinat dominée par le majestueux Daulaghiri 7751m qui accroche les nuages a son sommet.
3h30 de descente sur ce qui ressemble a des pistes de bobsleig, encore un record de vitesse. J’arrive au village et m’arrete dans une petite auberge tenue par Aras, 10 ans et sa soeur. En retirant mes chaussures, je remarque des taches blanches sur mes orteils qui deviennent noires ensuite, je sais que c’est pas bon du tout. J’explique ca a la didi d’Aras, qui me dit t’inquiete, ca passera demain, met toi pres du feu. Je n’aurais jamais du l’ecouter, premiere erreur ... Ceci dit je passe une tres bonne soirée avec Aras en jouant aux cartes et sirotant un thé au rhum pour feter ma victoire, deuxieme erreur...
Le lendemain, je decouvre des pieds qui ne sont pas les miens: ils ont triplé de volume, mes orteils sont noirs et couverts d’enormes ampoules... ok, il est temps de paniquer.
Didi n’a toujours pas l’air de s’en faire, je lui explique que je dois rejoindre Jomson, le prochain village en jeep pour aller a l’hopital. Pour aller jusqu’au stand de jeep, je dois payer un porteur, un petit gars sec comme un bout de bois, pour qu’il me transporte jusque la sur son dos, impossible de mettre mes chaussures et de marcher, l’humiliation de ma vie... Là, la jeep est evidemment en rade, on va attendre 2h qu’ils essayent de la remmettre en marche avant d’en appeler une autre... je suis plantée sur un bout de trottoir, les pieds emballés dans une couverture, tout le monde vient voir le desastre et les saddhus s’y mettent de leurs recettes pour me soigner...
Deux heures de pistes de montagnes enneigées et plaques de verglas ou on manque de verser... ca m’empeche de penser a mes pieds... heureusement, le gentil chauffeur me conduit directement a l’hosto car il faut traverser la riviere, en jeep evidemment, c’est malin de construire un hopital qui n’est pas a la portée de ceux qui peuvent plus marcher...
Enfin, si on peut appeler ca un hosto... je laisserai meme pas ma chevre y accoucher si j’en avait une ... on m’installe devant un poele a bois ou on fait chauffer une casserole d’eau pour y mettre mes pieds, personne ne peux me donner a boire et le “medecin” appelle ses copains pour savoir quoi faire... au bout de deux heures dans l’eau chaude que je change moi meme, mes pieds sont toujours noirs, le medecin me met une perfusion et m’envoie dans un hotel bien au chaud en me disant qu’il a organisé mon retour en avion pour Pokhara.
Le lendemain a l’aube, l’hotelier me conduit a l’aeroport en moto, j’achete ses grosses sandales a un nepali dans la rue, il n’y a que la dedant que mes pieds vont rentrer...
Arrivée a Pokhara, je fonce a l’hosto, au bout d’un quart d’heure de colloque de 7 nepalis autour de moi, le verdict tombe: ok, it’s bitefrost. Oui merci il y a deux jours que je suis au courant, maintenant ACTION s’il vous plait !!! L’un deux a decidé de me prendre en charge, il trouve que ca doit etre difficile d’etre toute seule loin de son pays dans cette situation. Ces népalais sont adorables, malheureusement niveau organisation ca ne suit pas du tout.
Voila mes amis, l’aventure s’arrete la. Operation rapatriement de la blonde est lancée. Ca sera l’occas de vous serrer fort dans mes bras, mais vous etes priés de vous deplacer car je ne pourrais pas bouger, priez pour que je ne passe pas d’une pointure 38 à 36... maintenant que je risque de les perdres, je les aimes mes orteils.
hauts les coeurs, je me laisse un mois de convalescence ensuite on the road again pour de nouvelles aventures, l’Asie a encore plein de choses a me dire !!!
With Love,
Natacha